Aristote Voir la version PDF

Dimanche 10 avril 2011 — Dernier ajout jeudi 14 avril 2011
Aristote

Biographie

Son œuvre comporte très peu de détails biographiques. De même, il n’existe guère de témoignages contemporains qui nous soient parvenus. Ses doxographes lui sont postérieurs de quelques siècles (Denys d’Halicarnasse, Diogène Laërce…). Sa biographie n’est donc connue que dans les grandes lignes2.

Son époque est marquée par le renouveau du royaume de Macédoine et le déclin de l’influence de la démocratie athénienne.

Aristote est né en -384 en Macédoine, à Stagire (d’où son surnom : le Stagirite), ville de Chalcidique. Stagire se trouve près de l’actuelle Stavro, proche du mont Athos. Son père, Nicomaque, était le médecin du roi Amyntas II de Macédoine. Sa mère, Phaéstis, était une sage-femme originaire de l’île d’Eubée. Il perdit à 11 ans son père, puis sa mère, et fut élevé par son beau-frère, Proxène d’Atarnée, à Atarnée, en Mysie, où il se lie d’amitié avec Hermias d’Atarnée, futur tyran de Mysie.

Comme Stagire était une colonie grecque et que sa mère venait d’une île grecque, Eubée, Aristote est grec.

Assoiffé de connaissance, il se rendit à Athènes. Il commença par suivre les cours d’Isocrate. Peu satisfait, il décida de rentrer à l’Académie de Platon à l’âge de 17 ans, vers -367, alors que Platon se trouvait en Sicile. Il y fut remarqué, notamment pour son intelligence. Platon lui donna même le droit d’enseigner, surtout la rhétorique, en tant que répétiteur3. Il resta 20 ans à l’Académie, jusqu’à la mort de Platon. Il peut donc dire, à ce moment : « Nous », au sens de « Nous, les platoniciens »4. Platon l’appelle « le lecteur » (ὁ ἀναγνώστης)5 ou « l’intelligence de l’école » (νοῦς τῆς διατριβῆς). Il est platonicien, mais critique, puisqu’il rejette la théorie des Idées, centrale chez Platon. Chacun connaît la célèbre formule : « Ami de Platon, mais encore plus de la vérité. » Aristote disait : « Ce sont des amis qui ont introduit la doctrine des Idées. (…) Vérité et amitié nous sont chères l’une et l’autre, mais c’est pour nous un devoir sacré d’accorder la préférence à la vérité. »6

Sa première période de production se place donc à l’Académie (-366/-346). Il a commencé par écrire 19 œuvres, dont des dialogues, aujourd’hui perdus, de philosophie platonicienne : Gryllos ou de la rhétorique (polémique avec Isocrate), Le Banquet, Le Sophiste, Eudème ou de l’âme, Protreptique d’Aristote, Sur la philosophie ou du Bien, etc. Il s’oppose déjà, du vivant de Platon, à la théorie des Idées défendue par ce dernier7. Ensuite (à partir de -350), il forma l’Organon, dont les traités sont les suivants : Catégories, De l’interprétation, Premiers Analytiques, Seconds Analytiques, Topiques, Réfutations sophistiques, quelques livres de Physique (I, II, VII ?), un livre du De l’âme (III), le début de la Métaphysique, le début de la Politique. Aucune chronologie n’est cependant certaine.

Il s’intéressa à la vie politique locale mais ne put y participer du fait de son statut de métèque (« étranger » à la cité).

À la mort de Platon, en -346, Speusippe, neveu de Platon, succéda à celui-ci. Dépité, Aristote partit pour Atarnée, avec deux condisciples, Xénocrate et Théophraste. Il se peut aussi qu’il ait fui une Athènes de plus en plus hostile aux Macédoniens, dont le roi Philippe II venait de massacrer une ville amie des Athéniens, Olynthe. À Atarnée, en Troade, sur la côte d’Asie Mineure, il rejoignit Hermias d’Atarnée, un ami d’enfance, « tyran » (maître souverain qui s’est emparé du pouvoir) du royaume de Mysie, avec Atarnée pour capitale. Là, il retrouva un cercle platonicien. Pendant ce temps, la Macédoine et Athènes firent la paix (en -346). D’Atarnée, Aristote passa au petit port d’Assos (actuel village turc de Berhamkale), peut-être après un refroidissement dans ses relations avec Hermias d’Atarnée. Aristote poursuivit ses recherches biologiques et commença à observer la faune marine. Il ouvrit une école de philosophie, une sorte de filiale de l’Académie.

En -344, quand Hermias d’Atarnée, livré aux Perses, fut exécuté par Artaxerxès III, il se rendit à Mytilène, dans l’île voisine de Lesbos, chez Théophraste. Il y ouvre sa deuxième école, pour environ deux ans, et y rencontre Phanias, qui devient son élève.

En -343, il rentra en Macédoine, appelé par le roi, Philippe II de Macédoine, pour devenir, deux ou trois ans durant, le précepteur du prince héritier, le futur Alexandre le Grand, alors âgé de 13 ans. Il lui enseigne les lettres (dont l’Iliade) et sans doute la politique. Vers 341, il épouse Pythias, nièce et fille adoptive d’Hermias d’Atarnée, réfugiée à Pella, qui lui donnera une fille, Pithias.

Sa deuxième période de production se place successivement à Assos, Mitylène, et Mieza (-345/-335), au nord de Pella (capitale de la Macédoine), où il acquiert de nombreuses amitiés. Il produit alors la suite de la Physique (III, IV, V, VI), Du ciel, De la génération et de la corruption, la suite de la Métaphysique, une partie de l’Éthique à Nicomaque (livres I.6, VII, VIII, II, III), la Rhétorique, la Poétique. Il s’occupa sans doute de la reconstruction et de la législation de Stagire, qu’il voulait reconstruire après que Philippe II de Macédoine l’eut détruite en -349.

C’est en -338 que Philippe II de Macédoine soumet Athènes. Âgé de 49 ans, en -335, Aristote revient à Athènes.

Une seconde fois, la direction de l’Académie lui échappe, cette fois au profit de son condisciple et ami Xénocrate, en -339. On dit qu’il s’exclama alors : « Il est honteux de se taire et de laisser parler Xénocrate. » Il fonde alors sa troisième école, le fameux Lycée, sur un terrain loué, mais non acheté (Aristote est un métèque, il n’a pas le droit à la propriété). Le mot « Lycée » vient de ce que le lieu est voisin d’un sanctuaire dédié à Apollon Lycien. Ainsi nait — mais ce n’est pas certain - l’école péripatéticienne. « Péripatéticienne » vient de peripatein (περιπατεῖν), « se promener ». Le Lycée était situé sur un lieu de promenade (peripatos) ou bien le maître et les disciples philosophaient en marchant8. Les aristotéliciens sont "ceux qui se promènent près du Lycée" (Lukeioi Peripatêtikoi, Λύκειοι Περιπατητικοί). Le Lycée comprenait une bibliothèque, un musée… qu’Alexandre le Grand finançait. Aristote faisait deux types de cours, l’un, du matin, appelé « acroamatique », réservé aux disciples avancés, l’autre, de l’après-midi, ouvert à tous, et appelé « exotérique »9. Lui habite dans les bois du mont Lycabette. Devenu veuf à Athènes, en -338 il prit pour seconde épouse une femme de Stagire, Herpyllis, dont il eut un fils qu’il nomma Nicomaque, du nom de son propre père. Nicomaque mourut jeune. L’ouvrage d’Aristote consacré aux thèmes de la vertu et de l’action prudente, dont le titre est Éthique à Nicomaque, lui fut dédié.

Sa troisième et dernière période de production se place ainsi au Lycée (-335/-323), pour treize ans. De cette période relèveraient le livre VIII de la Métaphysique, les Petits traités d’histoire naturelle, l’Éthique à Eudème, l’autre partie de Éthique à Nicomaque (livres IV, V, VI), de la Constitution d’Athènes, des Économiques.

Il accompagna peut-être Alexandre le Grand en Asie Mineure, en Syrie et en Égypte, entre -335 et -331. Ce n’est pas historiquement certain. Quand Alexandre fit mettre à mort Callisthène d’Olynthe, neveu d’Aristote, en -327, les relations entre le grand conquérant et le grand philosophe s’assombrirent.

À la mort d’Alexandre le Grand, en -323, Aristote, menacé par le parti anti-macédonien de Démosthène, estima prudent de fuir Athènes. D’autant que "Eurymédon, le hiérophante [d’Éleusis], porta contre lui une accusation d’impiété pour avoir composé un hymne à Hermias d’Atarnée"10, car les hymnes étaient réservés au culte des dieux. Décidé à ne pas laisser les Athéniens "commettre un nouveau crime contre la philosophie"11 (le premier étant la condamnation à mort de Socrate), Aristote quitta Athènes, avec famille, sa femme Herpyllis et la fille de son premier mariage, Pythias. Son ami Antipater, ancien lieutenant de Philippe II et gouverneur de la Macédoine pendant les expéditions d’Alexandre, soumit, à Crannon, les Athéniens, décidés à se rebeller une fois Alexandre mort.

Cette même année -322, à Chalcis, ville de sa mère, dans l’île d’Eubée, Aristote mourut, à l’âge de 63 ans. Il serait mort d’une maladie d’estomac, qui le minait depuis très longtemps. Son corps fut ramené à Stagire. Théophraste, son condisciple et meilleur ami, succéda à Aristote à la tête du Lycée. Le Lycée subsistera jusqu’en 529 après J.C., quand l’empereur romain Justinien Ier voulut mettre fin à la philosophie "païenne".

Les biographes (surtout Diogène Laërce) décrivent Aristote avec un défaut : il bégaie ou bien il a un cheveu sur la langue. Il est petit, trapu, avec des jambes grêles, les yeux petits et enfoncés. Chose rare pour l’époque, il n’a pas de barbe. En revanche il porte des bijoux et du linge fin. Comme plus tard Kant, il donne grand soin à sa toilette.

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